Coeur secret

C'est une porte qui se referme.
Tour à tour amie,
Tour à tour ennemie.
Qui se referme à jamais.

Tous connus, tous tombés.
Un monument s'effondre.
Malgré la lutte, malgré l'effort,
La tour est vide, définitivement.

Moments passés ensemble,
Elle et moi, chef à chef,
Aventures et mariages,
Bonheurs éphémères.

Les volets sont fermés,
La clef tourne,
Porte close,
Désespoir.

L'air est frais,
Le soleil brille,
et pourtant,
J'ai froid.

Tout est pareil
Tout est semblable
Et pourtant,
Tout est différent.

Etrange sentiment,
Que ce sentiment.
Une présence,
Invisible.

Je ne sais pas,
j'avance, j'ai peur,
Je recule,
Rien n'y fait.

Ce n'est pas un gout dans l'air.
Ce n'est pas une odeur en mer.
Ce n'est pas un bruit de fond,
La lumière, peut être ; Mais non.

Juste une sensation,
Une envolée fugace.
Quelque chose de perdu,
Sans mettre la main dessus.

Prédiction à l'étranger

Je m'étais assise près du feu. La grande taverne était déserte, et le calme était reposant.
C'est alors qu'Il arriva. Cet inconnu. Sa présence me fit dresser les cheveux sur la nuque. Il s'installa tranquillement, et bientôt, une connaissance arriva. Il échangea quelques mots avec l'étranger après avoir bu son breuvage.
Je ne pus entendre ce qui se disait, mais le désarroi s'afficha sur le visage de l'inconnu.
Je sentis affleurer le pouvoir en moi. Un visage, un rire s'imposa. Il pensait à sa famille. Cela faisait un bon moment que je n'avais pas senti l'esprit d'une Muse m'effleurer. Je laissais le pouvoir affluer. Des images de violence, des bruits de bataille et un gout de sang me firent frissonner.
Je me lève et m'attable avec l'étranger. Les mots franchissent ma bouche, l'oracle parle alors par ma voix.
" Ne cherche pas ta route sur cette carte, étranger. Tu ne la trouvera pas.
Ton avenir me semble sombre, je n'y vois que du sang.
Ta famille te manque, mais tu lui manque encore plus.
N'attends pas la fin, ou tu ne les reverra plus.
Par le sang ton avenir se trouble,
Par le sang tu trouvera ta route.
N'oublie pas ma prédiction étranger. Rien ne saurait l'arrêter. "

Etourdie d'avoir relaché tant de pouvoir concentré, je me levais et m'en allais. La fraicheur de la nuit me fit du bien, et je retournais au chateau sans plus de cérémonie.

Je les regarde s'amuser. Ils font la fête ce soir. Les Gardiens nous ont régalés de quelques facéties de leur cru. Peu sont venus. Beaucoup sont tombés. De ceux qui m'ont accueillis, il ne reste rien. Pas même des cendres. Certains ont peut-être trouvé un moyen de rentrer.

A présent, je suis seule. Le château des ménestrels ne résonne plus des rires et des cris qui jadis, hantaient les couloirs, même de nuit. Quand je repasse devant le bastion des éclaireurs, mon coeur se serre ; et je passe ma route avant de perdre ma dignité. La tanière de mon époux est éventrée, des pillards ont fait leur beurre. Et j'erre, seule, à ressasser mes souvenirs.

Deux ans déjà que j'erre sur ces Terres. Reverrais-je un jour mon premier époux? Et mon fils? Je désespère. Il y a toujours quelqu'un pour passer le portail. Pour nous dire que le royaume d'Isélias s'inquiète pour les combattants envoyés. Mais personne pour nous dire qu'un des leurs à retrouvé son chemin. Pas un n'est encore revenu.

Ma douce Nancy me manque. Et le jardin d'Harad le nain. Les bonnes aventures racontées par Grinwolf et Olympius au coin du feu. Les franches rigolades avec Marchand. La complicité de Sélène. Et Pépite que l'on ne voit plus voler. Même mes prises de bec avec Elodie me manquent. Les étrangers se font rares. L'ombre gagne de plus en plus de terrains chaque jour.

Alors les voilà à la taverne. Ils fêtent avec les villageois, les deux ans d'existence du portail. Pour moi, ce n'est pas l'occasion de me réjouir. Je n'ai pas vu ma famille ou mes amis depuis trop longtemps. Et les autres sont partis. Je ne les reverrais plus.

Quel triste moment que de fêter ces deux ans de guerre, de batailles, et de pertes. Quelle chose insensée. Il y aura toujours plus de morts. Toujours plus de guerre. Je souhaiterais parfois mourir. Peut-être alors, oublierais-je que j'ai aimé?

Une sensation fugace
Un déjà vu
Une inconnue
Perdue de vue.

Un sourire,
Un fou rire
Une larme,
Duo d'ame.